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quand ils nous ont copieusement escroqués, ou qu'ils ont provoqué la mort d'un être cher, nous
continuons à les honorer de notre confiance.
Si je vous disais, donc, que la criminalité économique  la « délinquance en col blanc », comme
on dit dans les journaux - fait plus de morts et vous coûte plus d'argent chaque année que
tous les autres crimes de droit commun? Ça vous paraît incroyable, non? Et pourtant, c'est la
vérité. D'après Russell Mokhiber, éditeur du Corporate Crime Reporter, en 1994, l'ensemble des
vols et cambriolages commis sur le territoire des États-Unis nous a coûté quatre milliards de
dollars, tandis que les malversations des délinquants en col blanc ont représenté pour la société
une perte de deux cents milliards de dollars! Vous voulez d'autres chiffres? Il y a eu quinze mille
morts provoquées par des armes à feu l'année dernière. De leur côté, les accidents du travail et
les maladies professionnelles ont fait plus de cinquante-six mille victimes.
Mais ces chiffres nous laissent froid, alors que nous sommes indignés quand un voyou sort son
flingue et descend un caissier derrière son comptoir. Et pourtant, si le même caissier succombe à
un incendie parce que son patron a sciemment négligé de faire réviser son installation électrique,
nous n'éprouvons pas la même indignation. Même chose quand un salopard pénètre chez nous
par effraction et nous pique notre chaîne hi-fi, nous avons envie de l'étrangler. Mais, quand le
fabriquant de ladite chaîne hi-fi conspire avec d'autres entreprises pour empêcher la baisse du
prix des CD, en nous extorquant au passage quelques centaines de dollars, pourquoi ne
ressentons-nous pas le même besoin de faire justice ?
Nous nous sommes laissés convaincre que l'insécurité est le principal danger qui nous menace,
et nous avons d'autant plus de raisons d'en être convaincus si nous faisons partie de la classe
moyenne blanche, vu que la plupart des délinquants sont d'une autre race ou d'un autre milieu
social. Ils font donc de parfaits boucs émissaires pour notre frustration.
Nous nous sommes également laissés convaincre que les chefs d'entreprise sont des espèces
de divinités qui garantissent la prospérité de notre pays. Mieux encore, nous sommes persuadés
qu'en travaillant dur nous pouvons tous les rejoindre dans leur Olympe !
Il est temps de redéfinir la notion de criminalité. Quand les dirigeants d'une caisse d'épargne
délestent un couple de retraités de leurs économies, c'est un acte criminel. Quand une entre-
prise déverse des produits toxiques dans l'eau ou dans l'atmosphère, provoquant une
catastrophe écologique qui finit par faire des milliers de morts, c'est un acte criminel. Quand le
P-DG d'une industrie d'armement escroque l'État et les contribuables en surfacturant un contrat,
c'est un acte criminel. Et quand un fabriquant d'automobiles décide d'économiser quelques
centaines de dollars sur les dispositifs de sécurité d'un véhicule, provoquant ainsi la mort de
dizaines de personnes, c'est un acte criminel de la plus extrême gravité.
Ces crimes en col blanc devraient êtres sévèrement punis, plus sévèrement même que ceux des
autres délinquants. Pourquoi? Parce que contrairement à pas mal de criminels qui enfreignent la
loi parce qu'ils sont complètement défoncés ou parce qu'ils vont tellement mal dans leur tête
qu'ils sont incapables de s'en sortir par des moyens honnêtes, le délinquant en col blanc sait
exactement ce qu'il fait et pourquoi il le fait. Son mobile exclusif est le profit.
Quand un délinquant en costume trois pièces nous fait les poches, ce n'est pas pour payer son
bifteck quotidien ou son loyer. C'est parce que toute la richesse qu'il a accumulée ne lui suffit
pas. Il veut une villa en Provence. Il veut investir dans une deuxième mine de diamants en
Afrique du Sud. Le yacht de son principal concurrent est plus gros que le sien et ça le rend
malade.
À mon avis, ce type est mille fois plus criminel et immoral que le salopard qui m'a piqué ma télé
couleur.
(Dans un souci de transparence, et pour que vous ne croyiez pas que je nourris une secrète
tendresse pour les petits délinquants, j'ai le plaisir de vous communiquer que j'ai été la digne
victime de sept vols avec effraction et d'un incendie sur mon lieu de travail, que j'ai été renversé
par un automobiliste en état d'ivresse, ce qui m'a valu un bras cassé, que j'ai été menacé une
fois par un type armé d'un couteau et une autre fois par un autre type armé d'un fusil, et qu'à
l'âge de quatorze ans, j'ai été dépouillé de trente-sept cents en plein milieu de Times Square
par un troisième type également armé d'un couteau. Bref, je déteste tous ces connards et je ne
demande pas mieux qu'on me débarrasse le plancher de tous les dangers publics et qu'on les
envoie se faire voir ailleurs, en tout cas loin de chez moi.)
On a tous connu ça. Mais le problème est ailleurs: est-ce que nous avons le courage et
l'intelligence de comprendre que la «criminalité », ce n'est pas que ça?
C'est pour ça que j'ai inventé le poulet Crackers, la mascotte de mon émission de télévision, TV
Nation, un super-héros qui combat la délinquance en col blanc. Les flics ont leur super-chiens
policiers, toujours à l'affût des criminels de rue, mais quel animal nous défend contre la [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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