[ Pobierz całość w formacie PDF ]

Que dis-je ? cet objet de tant de jalousie,
Cette Hélène, qui trouble et l'Europe et l'Asie,
Vous semble-t-elle un prix digne de vos exploits ?
Combien nos fronts pour elle ont-ils rougi de fois !
Avant qu'un noeud fatal l'unît à votre frère,
Thésée avait osé l'enlever à son père.
Vous savez, et Calchas mille fois vous l'a dit,
Qu'un hymen clandestin mit ce prince en son lit ;
Et qu'il en eut pour gage une jeune Princesse,
Que sa mère a cachée au reste de la Grèce.
Mais non, l'amour d'un frère, et son honneur blessé
Sont les moindres des soins dont vous êtes pressé.
Cette soif de régner, que rien ne peut éteindre,
L'orgueil de voir vingt Rois vous servir et vous craindre,
Tous les droits de l'empire en vos mains confiés,
Cruel, c'est à ces Dieux que vous sacrifiez ;
Et loin de repousser le coup qu'on vous prépare,
Vous voulez vous en faire un mérite barbare.
Trop jaloux d'un pouvoir qu'on peut vous envier,
De votre propre sang vous courez le payer,
Et voulez par ce prix épouvanter l'audace
De quiconque vous peut disputer votre place.
SCÈNE IV IPHIGÉNIE, AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE, AEGINE 47
Iphigénie en Aulide
Est-ce donc être père ? Ah ! toute ma raison
Cède à la cruauté de cette trahison.
Un prêtre, environné d'une foule cruelle,
Portera sur ma fille une main criminelle ?
Déchirera son sein ? Et d'un oeil curieux
Dans son coeur palpitant consultera les Dieux ?
Et moi, qui l'amenai triomphante, adorée,
Je m'en retournerai, seule, et désespérée ?
Je verrai les chemins encor tout parfumés
Des fleurs dont sous ses pas on les avait semés ?
Non, je ne l'aurai point amenée au supplice,
Ou vous ferez aux Grecs un double sacrifice.
Ni crainte, ni respect ne m'en peut détacher.
De mes bras tout sanglants il faudra l'arracher.
Aussi barbare époux qu'impitoyable père,
Venez, si vous l'osez, la ravir à sa mère.
Et vous, rentrez, ma fille, et du moins à mes lois
Obéissez encor pour la dernière fois.
SCÈNE V AGAMEMNON, seul
AGAMEMNON
A de moindres fureurs je n'ai pas dû m'attendre.
Voilà, voilà les cris que je craignais d'entendre.
Heureux si, dans le trouble où flottent mes esprits,
Je n'avais toutefois à craindre que ses cris !
Hélas ! en m'imposant une loi si sévère,
Grands Dieux, me deviez-vous laisser un coeur de père ?
SCÈNE VI AGAMEMNON, ACHILLE
ACHILLE
SCÈNE V AGAMEMNON, seul 48
Iphigénie en Aulide
Un bruit assez étrange est venu jusqu'à moi,
Seigneur, je l'ai jugé trop peu digne de foi.
On dit, et sans horreur je ne puis le redire,
Qu'aujourd'hui par votre ordre Iphigénie expire,
Que vous-même, étouffant tout sentiment humain,
Vous l'allez à Calchas livrer de votre main.
On dit que sous mon nom à l'autel appelée,
Je ne l'y conduisais que pour être immolée ;
Et que d'un faux hymen nous abusant tous deux,
Vous vouliez me charger d'un emploi si honteux.
Qu'en dites-vous, Seigneur ? Que faut-il que j'en pense ?
Ne ferez-vous pas taire un bruit qui vous offense ?
AGAMEMNON
Seigneur, je ne rends point conte de mes desseins :
Ma fille ignore encor mes ordres souverains ;
Et, quand il sera temps qu'elle en soit informée,
Vous apprendrez son sort, j'en instruirai l'armée.
ACHILLE
Ah ! je sais trop le sort que vous lui réservez.
AGAMEMNON
Pourquoi le demander, puisque vous le savez ?
ACHILLE
Pourquoi je le demande ? O ciel ! le puis-je croire,
Qu'on ose des fureurs avouer la plus noire ?
Vous pensez qu'approuvant vos desseins odieux,
Je vous laisse immoler votre fille à mes yeux ?
Que ma foi, mon amour, mon honneur y consente ?
AGAMEMNON
Mais vous, qui me parlez d'une voix menaçante,
Oubliez-vous ici qui vous interrogez ?
ACHILLE
Oubliez-vous qui j'aime, et qui vous outragez ?
SCÈNE V AGAMEMNON, seul 49
Iphigénie en Aulide
AGAMEMNON
Et qui vous a chargé du soin de ma famille ?
Ne pourrai-je sans vous disposer de ma fille ?
Ne suis-je plus son père ? Etes-vous son époux ?
Et ne peut-elle ...
ACHILLE
Non, elle n'est plus à vous.
On ne m'abuse point par des promesses vaines.
Tant qu'un reste de sang coulera dans mes veines,
Vous deviez à mon sort unir tous ses moments,
Je défendrai mes droits fondés sur vos serments.
Et n'est-ce pas pour moi que vous l'avez mandée ?
AGAMEMNON
Plaignez-vous donc aux Dieux qui me l'ont demandée,
Accusez et Calchas et le camp tout entier,
Ulysse, Ménélas, et vous tout le premier.
ACHILLE
Moi !
AGAMEMNON
Vous, qui de l'Asie embrassant la conquête,
Querellez tous les jours le ciel qui vous arrête ;
Vous, qui vous offensant de mes justes terreurs
Avez dans tout le camp répandu vos fureurs.
Mon coeur, pour la sauver vous ouvrait une voie ;
Mais vous ne demandez, vous ne cherchez que Troie.
Je vous fermais le champ où vous voulez courir.
Vous le voulez, partez, sa mort va vous l'ouvrir.
ACHILLE
Juste ciel ! Puis-je entendre et souffrir ce langage ?
Est-ce ainsi qu'au parjure on ajoute l'outrage ?
Moi, je voulais partir aux dépens de ses jours ?
Et que m'a fait à moi cette Troie où je cours ?
Au pied de ses remparts quel intérêt m'appelle ?
Pour qui, sourd à la voix d'une mère immortelle,
SCÈNE V AGAMEMNON, seul 50
Iphigénie en Aulide
Et d'un père éperdu négligeant les avis,
Vais-je y chercher la mort tant prédite à leur fils ?
Jamais vaisseaux partis des rives du Scamandre
Aux champs thessaliens osèrent-ils descendre ?
Et jamais dans Larisse un lâche ravisseur
Me vint-il enlever ou ma femme ou ma soeur ?
Qu'ai-je à me plaindre ? Où sont les pertes que j'ai faites ?
Je n'y vais que pour vous, barbare que vous êtes,
Pour vous, à qui des Grecs moi seul je ne dois rien,
Vous, que j'ai fait nommer et leur chef et le mien,
Vous, que mon bras vengeait dans Lesbos enflammée,
Avant que vous eussiez assemblé votre armée.
Et quel fut le dessein qui nous assembla tous ?
Ne courons-nous pas rendre Hélène à son époux ?
Depuis quand pense-t-on qu'inutile à moi-même,
Je me laisse ravir une épouse que j'aime ?
Seul d'un honteux affront votre frère blessé
A-t-il droit de venger son amour offensé ?
Votre fille me plut, je prétendis lui plaire ;
Elle est de mes serments seule dépositaire.
Content de son hymen, vaisseaux, armes, soldats,
Ma foi lui promit tout, et rien à Ménélas.
Qu'il poursuive, s'il veut, son épouse enlevée,
Qu'il cherche une victoire à mon sang réservée :
Je ne connais Priam, Hélène, ni Pâris ;
Je voulais votre fille, et ne pars qu'à ce prix.
AGAMEMNON
Fuyez donc. Retournez dans votre Thessalie.
Moi-même je vous rends le serment qui vous lie.
Assez d'autres viendront, à mes ordres soumis,
Se couvrir des lauriers qui vous furent promis,
Et par d'heureux exploits forçant la destinée,
Trouveront d'Ilion la fatale journée. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • anikol.xlx.pl